LE CERCLE D'HISTOIRE ET DE TRADITIONS DE LIBIN
A Voir !
Libin
Libin est marqué par son réseau routier. L’habitat linéaire, anormalement étendu le long de ses axes, lui donne un air de village-araignée.
Plantée au milieu du Quartier latin, l’église a conservé son rôle de trait d’union entre les deux hameaux de Libin-Bas et Libin-Haut. C’est là que se concentre aujourd’hui la zone de services. L’histoire de ce bourg s’est écrite en ce lieu et peut se lire à travers ses bâtiments. L’église Notre-Dame du Mont-Carmel, construite en 1863 dans un style néo-gothique, occupe un emplacement voisin de celui de l’ancienne église Saint-Pierre. Celle-ci se trouvait, entourée de son cimetière, à l’emplacement actuel du parc où se dresse la statue du Sacré-Cœur. Un monument en forme de colonne évoque cet emplacement. Quelques éléments du 16e siècle en ont été conservés : la théothèque scellée dans un mur de la nef, une statue de saint Roch et une peinture représentant saint Simon Stock. Rares sont les églises qui possèdent encore une théothèque. D’inspiration gothique mais avec des apports floraux baroques, cette sorte de tabernacle abritait le Saint-Sacrement. Comme chacun sait, saint Roch était invoqué pour protéger la population des maladies et des calamités. En 1625, les « manants de la Basse Libin » se sont adressés au seigneur de Mirwart pour forcer les personnes atteintes de la contagion de se retirer « en huttes » et de « purger » leurs maisons. La peinture à l’huile, attribuée à un certain « Maître de Givet », représente saint Simon Stock recevant le scapulaire de la Vierge. Dans le parc, sous les cèdres, on aperçoit une grande croix de Transylvanie (Roumanie), un cadeau d'une délégation roumaine qui a séjourné à Libin durant l'été 1991.
L’hôtel Les Roses, tout proche, est lui aussi chargé d’histoire. La partie centrale est un aménagement de l’ancien presbytère et le bâtiment qui le jouxte a servi d’école (construction en 1844) puis de local de la poste (1899). Ancienne école communale, l’imposant édifice qui couronne le Quartier latin sert aujourd’hui de Maison de Village et accueille les activités socio-culturelles qui animent la localité. Ce bel édifice construit en 1870 se singularise par ses avant-corps marquant la travée d’accès. Un harpage d’angle en pierre de taille souligne le contraste de matériaux (grès schisteux et grès calcaires). À l’arrière s’ajoute une nouvelle aile, aux lignes simples et fonctionnelles. Elle contraste avec l’édifice – plus que centenaire – qui ne manque ni d’élégance ni de solidité.
La traversée du village offre quelques beaux spécimens d’anciennes fermes des 18e et 19e siècles. Leur typologie reste classique et offre un bel aperçu des fermes tri ou quadri-cellulaires où les murs bas en grès et en torchis étaient abrités sous des toits en bâtières couverts d’ardoises. De beaux exemples s’échelonnent le long de la rue de Recogne (l’une millésimée 1780). Relevons aussi les maisons de maître : celle proche de l’actuelle maison communale a été construite par le notaire Douny, de même que celle située au lieu-dit Remifontaine. Enclose par de hautes murailles, cette construction de 1820-1830 garde néanmoins un caractère agricole. En contrebas du Quartier latin, une meule appuyée sur le mur d’une habitation attire l’attention. En prenant un peu d’altitude, on peut repérer, à l’arrière du bâtiment, le plan d’eau qui servait de réservoir au bon fonctionnement d’un moulin. Son origine est particulière. En effet, en 1748, le seigneur de Mirwart a permis à Guillaume Willème de construire, à ses frais, un second moulin « pour la commodité des banaux ».
Libin a conservé de nombreux signes de piété : calvaires, croix de mission et potales. Deux chapelles marquent l’entrée du village. Au nord, route de Transinne, la chapelle Notre-Dame de Walcourt a été construite par Prospère Moyen en 1891 en remerciement pour une guérison. Celle de la route de Recogne date d’avant 1870 et remplace une simple croix qui marquait le carrefour. Commanditée par la famille Lemaire, elle est consacrée à Notre-Dame de Lourdes et fut agrandie en 1899 par un avant-corps surmonté d’un clocheton et ombragée par deux tilleuls comme c’était la coutume. À cette époque, de nombreux oratoires ont été dédiés à la Vierge et à saint Donat invoqué pour éloigner le fléau de la grêle. Deux autres chapelles, plus discrètes, ont été élevées en remerciement de guérisons. L’une, route de Villance, est consacrée à saint Thibaut ; une autre plus ancienne (1866), dédiée à Notre-Dame de Bon-Secours, se dresse près d’un chemin de campagne à Bonipré (Villance).
Libin a grandi au rythme de l’histoire dans l’écrin vert de ses importantes forêts. Les larges clairières aménagées par les Celtes et les Romains ont été mises à profit pour nourrir gens et bêtes. Dès le 16e siècle, les maîtres de forge ont installé deux hauts fourneaux, l’un à Contranhez – on peut encore en découvrir les substructures et le bief qui alimentait le soufflet –, l’autre à Marsolle (Smuid), à la limite du territoire de Mirwart. Ce dernier a été fouillé récemment et grâce au fonds d’archives du château de Mirwart, on peut saisir l’importance qu’avait la métallurgie sur le plateau ardennais. Un des maîtres de forge, Jean de la Hamaide, a même laissé son nom à un hameau de Redu. Cette industrie était alimentée par du charbon de bois. De nombreuses aires de faulde aménagées par les charbonniers se rencontrent fréquemment en forêt. Les coupes trop rapprochées ont progressivement réduit le massif forestier à une peau de chagrin. De grandes landes occupées par le genêt et la bruyère n’offraient plus qu’une maigre pitance aux troupeaux communs. En 1857, l’État belge oblige les communes à mettre en valeur ces « incultes » et à procéder à des replantations massives. C’est l’âge d’or des pépiniéristes Perpète, Gourdange et Debehogne qui mettent à profit la forte demande et installent leur négoce en périphérie du village.
Aujourd’hui, la forêt libinoise est devenue une valeur d’avenir. Et pas seulement par sa fonction de production ligneuse ! Des sentiers pédestres bien tracés accueillent les promeneurs en quête de nature et de quiétude (s’adresser à la Maison du Tourisme à Redu). Des séances d’écoute du brame sont organisées en automne et la forte population de gibier continue à attirer de nombreuses sociétés de chasse.
Dans ce cadre forestier, Au Crochet, un ancien site d’extraction de kaolin, fermé en 1952, a été reconverti en zone de loisir et en parc récréatif pour les enfants. Le circuit – Le Parc enchanté du Kaolin – qui cerne le plan d’eau, évoque les Nutons, des personnages fantastiques bien présents dans les légendes locales. Ce parc, d’une superficie de 6,5 ha, entraîne le visiteur à la rencontre des petits hommes ; ainsi surprendra-t-il, au fil de la balade, un Nuton endormi auprès d’un renardeau, un autre contemplant le plan d’eau depuis son piédestal de pierre, un troisième assis devant son trou occupé à ressemeler une chaussure de grande pointure. Le silence est de rigueur au pays des Nutons… car on y est épié ! D’autres sites de kaolin ont été exploités à ciel ouvert : à Fontaine-Mahay (ouvert en 1922 et fermé en 1966) et à l’Arfaye abandonné récemment. Ce dernier site s’est recolonisé et enrichi de quelques plantes exceptionnelles qui ont trouvé dans ce milieu particulier la possibilité de proliférer. Citons la droséra, une petite fleur carnivore, et le lycopode, une espèce en voie de disparition.
Si les rochers et les éboulis de Contranhez sont une curiosité géologique, ils ont aussi alimenté les récits légendaires et inspiré les visiteurs en mal de légendes. L’imagination des Libinois y situe la capture d’un Nuton et son emprisonnement dans une ancienne brassine aux fenêtres protégées par des solides barreaux. Quelle ne fut pas leur surprise de constater, le lendemain matin, que le Nuton s’était évadé… les tiges en fer n’ayant pas résisté à sa force herculéenne !
Anloy
Excentrée par rapport au village, la modeste église néo-classique affiche son âge sur son oculus portant la date de sa construction : 1841. L’entrée est surmontée d’un entablement et d’une corniche posée sur des consoles. Le chœur semi-circulaire est éclairé latéralement par une fenêtre du même type que celles qui percent les bas-côtés de l’unique nef. Les fonts baptismaux sont antérieurs à 1841 et ont été repris de l’ancienne chapelle. Une clôture de murets entoure le cimetière et l’église, sans soustraire au regard l’imposant monument dédié aux victimes de la guerre.
La rue Lavaux conduit vers un lavoir-fontaine proche du ruisseau de Chemont. Il est alimenté par un puits creusé à quelques mètres au nord et qui recueille les eaux de la colline de la Hoigne. Sa construction date de 1888. Amélioré en 1900 puis en 1956, il est partagé en plusieurs bacs : certains réservés à la lessive, d’autres au rinçage.
À la sortie du village, vers Villance, un petit chemin conduit vers le site forestier de Cuy. Un éperon rocheux barre la vallée. De nombreux blocs se sont détachés et encombrent la rivière. Nous sommes en présence de deux assises géologiques différentes qui expliquent la particularité du paysage. De nombreuses pierres évasées en forme de cuvettes ont donné naissance aux légendaires nutons, des êtres qui pouvaient se montrer maléfiques s’ils n’étaient pas traités avec amabilité. Une érosion naturelle… mal comprise, et voilà l’imaginaire qui s’éveille !
À la limite d’Anloy et de Jéhonville, le Trou du Bouc évoque une autre légende. Ici, il est question d’un paysan madré qui parvient à tromper le diable grâce à un subterfuge : enduire sa femme de graisse et la couvrir de plumes… Insupportable pour les féministes d’aujourd’hui !
À proximité, le site du Moulin de La Rochette est beaucoup plus riche en «vérités» historiques. Appelé actuellement et pompeusement «château de la Rochette» depuis son aménagement en 1947, il n’a conservé que le bâtiment qui abritait une scierie. La ferme et le moulin ont été entièrement incendiés en août 1914. Son histoire est cependant bien connue. Les premières traces écrites de ce moulin se trouvent dans les comptes dressés en 1427 par Istasse de Lier, châtelain de la seigneurie de Mirwart.
Un autre moulin, situé à Wachamps, plus en amont, utilisait la force motrice d’un affluent de la Lesse, le ruisseau du Grande Buse. Plusieurs nouvelles habitations sont venues s’agglomérer à proximité pour former un petit hameau.
À l’ouest du village, au sein de la forêt qui les a vus mourir, le cimetière Anloy-Bruyère a recueilli les dépouilles des militaires tombés pendant les combats du 22 août 1914. Pour honorer les combattants du 20e de Ligne, la ville de Montauban (France) avait offert, en 2000, une stèle surmontée d’une sculpture allégorique : « La Mélancolie ». Volée en novembre 2008, cette œuvre réalisée par l’artiste Flavio de Faveri a été remplacée par un fac-similé en résine en août 2009. Des pierres épigraphes rappellent le sacrifice du bourgmestre Louis Gillet et de Dom Bernard Gillet, assassinés par les Allemands, quatre maisons de comité et un monument commémoratif, situé au Petit Wez, complètent les signes tangibles des malheurs infligés à la population au début de la première guerre mondiale.
Ochamps
Le visiteur choisira entre la découverte d’un village rural entouré de ses terres agricoles ou une visite tournée vers une architecture plus monumentale.
De part et d’autre de la route de Libin, le château et ses dépendances semblent presque insolites dans une Ardenne réputée pour ses modestes revenus. Si Évence II Coppée eut le coup de cœur pour Roumont (achat en 1886), c’est Évence III qui l’a transformé en un domaine plus fastueux. Ce dernier décide de reconstruire un nouveau château sur l’emplacement de la gentilhommière de 1886 et de raser la ferme pour rebâtir plus beau et plus impressionnant. Il mandate Alban Chambon, architecte décorateur en vogue à cette époque, pour réaliser les plans du château dans un style d’allure Renaissance propre à plusieurs châteaux de la Loire. Le mélange de pierres et de briques est très à la mode à cette époque et apporte une certaine légèreté aux tours ajoutées au bâtiment d’origine. Les dépendances, éloignées du château, sont confiées à l’architecte Fraikin. Elles forment un petit hameau de plusieurs maisons isolées et d’un bâtiment principal composé de différents corps. L’ensemble a été construit en matériaux reconnus pour leur robustesse et leur longévité : grès schisteux du pays, pierre bleue, ardoises naturelles, etc. Les dépendances proprement dites sont disposées, selon leur utilité, en trois cours intérieures : la cour des chauffeurs, celle des chevaux et celle des chiens. L’ensemble comprend aussi la maison du régisseur, celle du jardinier, celle du garde, des serres, un potager et un verger. Le tout est réparti sur sept hectares.
Parallèlement, le baron Coppée achète des terres et des fermes dans les environs. La ferme du Peroy, route de Libramont, est acquise en 1918. Construite en 1860 par Joseph-Adolphe Van Cutsem, ce bâtiment harmonieux deviendra la propriété du peintre André Collin à la mort de son mécène, Henri Van Cutsem.
La ferme de Gerbaifet s’étend de l’autre côté de la route. Construite en plusieurs étapes, elle offre une juxtaposition de styles néo-classique et néo-gothique. Ses premiers propriétaires, les frères Van Volsem, souhaitent y développer une ferme expérimentale. Elle est achetée par la famille Coppée en 1899.
Proche du château, la ferme de Nargaufay, au départ une maison de garde à laquelle, en 1912, divers bâtiments sont ajoutés tels que laiterie, fumoir, poulailler, annexes agricoles, pour prendre l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. Son architecture marquée par diverses inspirations mélange les éléments en colombages et en grès schisteux.
La ferme de Maubeuge, située sur les rives de la Lesse, forme un vaste quadrilatère construit sur un site plus ancien, celui du moulin Puchaux (La Roche Renaud). Acquis en 1901 par Évence Coppée, le bâtiment du moulin a subi, en 1912, de profondes transformations.
L’église paroissiale Saint-André fait face à un des plus anciens bâtiments d’Ochamps puisqu’il apparaît dans les textes anciens (dès 1755) sous l’appellation « Maison forte ». Avec ses six travées et son clocher posé sur une forte tour, l’église actuelle a été construite en 1883-1884 sur les plans de l’architecte Blandot. Elle remplaçait l’ancienne, reconstruite en 1639, une période sombre qui voyait le passage incessant de troupes. Était-ce pour se ménager un refuge dans la tour centrale ? Toujours est-il qu’une peinture panoramique d’André Collin montre un bâtiment trapu avec une tour quadrangulaire excentrée. L’ensemble se situait à l’emplacement de l’actuel petit parc qui regroupe divers monuments : pierres tombales, calvaires, etc.
Le bâtiment d’école domine le quartier. D’inspiration néo-classique, cette imposante bâtisse a été édifiée en 1864 comme l’atteste le cartouche dominant l’entrée. Le corps central de cinq travées sur deux niveaux, surmonté d’un fronton triangulaire et d’un clocheton, accueillait la salle du Conseil et la maison de fonction de l’instituteur. De chaque côté, deux ailes plus basses à pavillons d’accès terminaux servent toujours de classes. Récemment, le bâtiment a été agrandi à l’arrière.
Dans le bas du village, rue baron Coppée, une bâtisse plus ou moins cubique de deux hauts niveaux sur cave est millésimée 1791. La haute toiture d’ardoises en pavillon et coyau contraste avec l’ensemble des toits voisins qui se dessinent sous deux pans avec parfois de simples croupettes. Elle a subi un incendie en 2011.
De nombreuses fermes bordent la route et s’étalent sur les deux rives de la Lesse. Une toile d’André Collin de la fin du 19e siècle montre l’évolution de ces bâtiments. Bâties sur un plan carré, les fermes traditionnelles du plateau ardennais ne comptaient qu’un étage, prenaient la lumière sur un pignon (souvent en colombages) et alignaient une travée d’habitation, une de circulation (corridor et escalier), une pour l’étable et une pour la grange. Le tout recouvert d’ardoises.
Proche du pont qui enjambe la rivière, une ancienne laiterie accessible par une volée d’escaliers rappelle le caractère rural du village.
À la limite de la plaine alluviale, l’abbé Brahy et ses paroissiens ont fait élever, en 1920, une réplique de la grotte de Lourdes. Chaque année, le dimanche le plus proche du 22 août, les fidèles s’y rassemblent pour un office religieux et pour commémorer la bataille de 1914. Une soixantaine d’ex-voto illustrent l’importance de la dévotion des fidèles. La vasque reliée à une source voisine est en réalité le bénitier de l’ancienne église de 1639.
Le chemin d’accès est longé par un canal d’abissage qui arrosait les prairies de fauche en aval. Un acte daté de 1870 énumère cinquante et un riverains qui, devant notaire, tentent de se mettre d’accord sur une réglementation satisfaisante pour «mettre l’eau» sur leur pré.
Sur le sommet de la colline en direction de Jéhonville, la chapelle Notre-Dame de Beauraing est une construction mononef traditionnelle de 1884, construite par Nicolas-Joseph Granjean en réparation pour les excès causés par la loi scolaire de 1879 qui avait fortement divisé le village. De violents combats se sont déroulés à proximité de la chapelle le 22 août 1914.
Les amoureux de la nature se réjouiront d’explorer les sources de la Lesse. Le plateau culmine ici à plus de 500 mètres et de nombreux ruisselets sourdent en amont de La Goutelle, le premier moulin alimenté par la Lesse (attesté en 1586). Ici, la nature a conservé ses droits : pas de culture ni d’élevage intensif car le sol est trop pauvre et trop humide.
Perdue dans la forêt au nord-est d’Ochamps, la réserve naturelle domaniale des Troufferies s’étend sur près de soixante hectares. Repéré en 1972 par des botanistes, le site s’est révélé d’une richesse faunistique, floristique et historique exceptionnelle. Le promeneur occasionnel risque de n’y voir qu’une simple clairière trop humide pour accueillir les plantations d’épicéas. Il est vrai que les drains des pessières voisines s’arrêtent en périphérie de la réserve. Les planteurs l’ont négligée. Heureusement ! Une mosaïque d’associations végétales de type fagnard révèlent diverses occupations anthropiques et livrent quelques plantes rares (Calla palustris, Drosera rotundifolia, Empetrum nigrum, Eriophorum vaginatum, Dactylorhiza sphagnicola, etc...). D’abord, le long du ruisselet, des tertres d’orpaillage laissés par les Celtes ont créé une digue artificielle qui a rehaussé le niveau de la tourbière. Redynamisée, celle-ci a accumulé, à certains endroits, près de deux mètres de tourbe qui sera exploitée, du 17e jusqu’au milieu du 20e siècle, lorsque les maîtres de forge – le haut fourneau de Contranhez est tout proche – auront épuisé la forêt. Le pâturage extensif a apporté tout un cortège de plantes liées aux prairies tourbeuses. Un caillebotis a été aménagé dans la partie la plus sensible de la tourbière. Il conduit directement à l'emplacement des anciennes fosses d'extraction de tourbe (côté Glaireuse), où les espèces végétales sont les plus rares et les plus fragilisées.
Ochamps compte une autre réserve naturelle à la Vieille Rochette. Gérée par Natagora, elle se situe à l’ouest du village, dans une zone de sources. Cette ancienne prairie humide, abandonnée depuis la mécanisation de l’agriculture, se caractérise par un cortège floristique typique des anciens prés de fauche. Colonisée par une saulaie envahissante, elle attire une avifaune riche et diversifiée. Il n’est pas rare d’y rencontrer la cigogne noire. Une autre réserve (prairies à bistorte) vient d’être acquise entre Ochamps et Maubeuge.
Planté au milieu de son espace agricole et ceinturé de forêts, Ochamps respire la quiétude. Il n’en a pas toujours été ainsi ! Quelques croix de pierre et des stèles funéraires sont plantées en pleine campagne (Croix Detrie, Vacquery, Pascal, Pargala). Régulièrement fleuries et entretenues par des bénévoles, elles rappellent la catastrophe de l’après-midi du 22 août 1914, lorsque l’aile droite du 17e Corps de Toulouse s’est trouvée cernée dans le bois de Luchy par le XVIIIe Corps allemand (41e et 42e Brigades de la 21e Division). La bataille a été brève, le choc extraordinairement sanglant. Un cimetière militaire situé le long de la route de Bertrix rappelle aux passants ce terrible épisode. Dans le village, dix civils ont été tués et cinq maisons détruites.
Redu
Les librairies évidemment ! Une vingtaine de bouquineries et commerces se sont installés dans d’anciennes fermes en respectant l’architecture d’origine. Chacune d’elles a sa spécialité : histoire, littérature, sciences, tourisme, arts, B.D, etc. On y trouve également des ateliers de fabrication de papier, de reliure, de poterie, des boutiques de cadeaux, des expositions temporaires et plusieurs cafés-restaurants. Le petit musée des imprimés en Luxembourg qui occupe deux salles de la Librairie Ardennaise, retrace l’histoire de l’imprimerie dans la province. Une imprimerie complète y a été reconstituée dans son état d’origine. Les librairies se concentrent dans un périmètre proche de l’église Saint-Hubert à laquelle s’adossent quelques boutiques.
Cet édifice néo-gothique calcaire a été construit, en 1851, autour de l’ancienne église, beaucoup plus petite. Quatre travées, un transept à peine saillant et un chœur étroit à chevet à trois pans forment l’écrin de ce qui est la perle de ce lieu de culte : son mobilier. On le doit au curé Joseph Martin (1896-1910). Dans son journal, il conte par le détail les tractations et les démarches qu’il a entreprises pour parer son église. L’ensemble du mobilier – de facture très homogène – a été conçu et réalisé, dans le même style que l’église, par Alphonse Dumont, de Saint-Trond. La route qui contourne le bâtiment correspond à l’ancienne enceinte du cimetière.
À l’ouest du village, d’immenses paraboles pointées vers le ciel sont rassemblées dans une dépression qui borde la rive droite de la Lesse. La route qui conduit vers Séchery offre un panorama sur l’ensemble du site. En service depuis 1968, la Station de Redu (European Space Agency) a pour mission de suivre et contrôler les satellites de l’Agence Spatiale Européenne. Un personnel hautement qualifié provenant des pays membres (Allemagne, Autriche, Belgique, etc...) y assure l’activité jours et nuits.
Le chemin campagnard qui conduit de l’E.S.A. à Lesse renseigne un sentier forestier vers la Roche aux Chevaux par une crête rocheuse. La vue panoramique sur le confluent de l’Our et de la Lesse est remarquable. La tradition prétend qu’autrefois, on précipitait de ce rocher les vieux chevaux malades ou inutiles en les obligeant à reculer dans le vide. Il s’agit plus vraisemblablement d’un ancien campement de « rouliers » qui assuraient le transport entre la Gaume et la Famenne.
Un layon sinueux dégringole vers les rives de la Lesse et le site du ru de Chicheron. Plusieurs études scientifiques ont été menées sur les frayères de ce ru torrentueux qui dévale du versant opposé. La première date de 1957 et la plus récente a été initiée dès 1997 par la Direction générale des Ressources naturelles de l’Environnement de la Région Wallonne. Son apport est indéniable pour la compréhension des migrations et des avalaisons des truites. Elle a abouti notamment à inventer un type d’échelle à truites qui permet d’améliorer les frayères des nombreux petits affluents dont les populations de poissons étaient isolées de la Lesse par des conduites forcées placées, par exemple, sous les chemins.
En aval du Pont des Cochettes s’ouvre une petite caverne qui aurait servi de refuge à des voleurs. Elle est connue sous le nom de Roche Minguet, en souvenir de cette famille qui, avant 1914, y séjournait à la belle saison.
Dans les hameaux pittoresques de Lesse et Séchery règne une atmosphère rustique typiquement ardennaise. Quant aux sections de Hamaide et des Boucats, elles accueillent surtout les nouvelles constructions et se muent en quartiers résidentiels.
Lesse égraine ses anciennes fermes le long de l’unique route de Maissin. En amont, un chemin de campagne conduit au site du moulin de Molhan. Le premier meunier connu est un certain Laurent (1577). Mais il se pourrait que ce moulin soit celui qui était déjà cité en 893 dans le pouillé de l’abbaye de Prüm. Tombé en ruines après la guerre, il a été acquis par un groupe de personnes qui voulaient implanter une centrale électrique un peu en aval. Les villageois, assez fiers du passé de ce site, affirment que la reine Astrid en serait tombée amoureuse et aurait voulu l'acheter. La transaction ne se réalisa pas mais par la suite il devint, à l'initiative de Charles Delaite, un artiste local, le lieu de rendez-vous de peintres de l'Ardenne (Heintz, Barthélemy, Raty...) qui sont venus y planter leur chevalet et traduire sur leurs toiles la magie des lieux.
À l’orée de la forêt et dominant la plaine alluviale de la Lesse, la chapelle Notre-Dame de Walcourt date de 1750 et a été classée en 1992. Édifiée en grès et surmontée d’un clocheton à base carrée et d’une croix en fer forgé, la chapelle est visible de tous côtés. Ce monument fut le théâtre – affirment les anciens – de quelques guérisons miraculeuses. Pendant longtemps, un pèlerinage à saint Monon y était organisé. Ce saint était invoqué pour la protection du bétail et particulièrement celle des porcs qu’élevait chaque fermier. Deux tilleuls vénérables encadrent la chapelle. Sur l’un deux, le 25 mars de chaque année, jour de pèlerinage, on plaçait l’effigie de la Vierge comme à Walcourt.
Le hameau de Séchery, lové au creux d’une profonde vallée, abrite quelques belles fermes en grès schisteux et à colombages remplis de briques, de la fin du 18e et du 19e siècle. L’ensemble, d’une grande homogénéité, mériterait un classement.
Le quartier de Hamaide qui s’étend de part et d’autre de la N 40, doit son nom à Jean de la Hamaide, marchand et maître de forges, originaire de Givet, venu, au début du 17e siècle, s’installer dans la région pour actionner le haut fourneau de Marsolle (un affluent de la Lomme). Son fils, un de ses rares enfants ayant survécu à la peste de 1636, a été successivement clerc-juré dans la châtellenie de Villance puis dans la seigneurie de Redu. Sur un court tronçon de l’ancienne route, on peut voir un beau spécimen de croix d’occis. Elle date de 1840 et rappelle la fin tragique de Charles Lambert écrasé par sa charrette.
Perdue dans la forêt aux confins du territoire, l’ancienne scierie du pré Moray (Moreau) a été relevée de ses ruines et reconvertie en gîte rural. C’est sur ce site sauvage et pittoresque que le premier exploitant, Jean de Lissoire, actionnait les fers (lames) de la scierie en 1614.
Installé au nord de Redu, l’arboretum du Bois Collignon, ou petit Bois, regroupe, sur un petit territoire, diverses essences d’arbres : aux hêtres et aux chênes indigènes ont été ajoutés le Douglas, le Thuya, l’Épicéa, le Chêne rouge d’Amérique, l’Érable sycomore, le Merisier, le Bouleau verruqueux, le Sorbier des Oiseleurs, le Métaséquoia. Un sentier invite à la découverte et débouche près du réservoir d’eau entre Séchery et Redu où une vue panoramique exceptionnelle embrasse l’étendue de la forêt et les méandres encaissés de la Lesse. On peut rappeler qu’au bout des champs de la Feuchère, la justice de Redu avait fait dresser, en 1786, le signe patibulaire pour y pendre un voleur de bétail nommé Jean Moraux d'Ambly.
Smuid
L’église, l’ancien presbytère et le cimetière forment le noyau historique de ce petit village-clairière. Ombragée par un imposant tilleul, l’église mononef de quatre travées a été construite en 1824 en moellons de grès et de calcaire. La façade, harpée d’angle avec un portail cintré et appareillé à impostes et crossettes sous corniche profilée, est précédée de marches et coiffée par un clocheton octogonal en trois niveaux campaniformes sur base carrée. Au chevet, une pierre épigraphe rappelle le nom du premier curé Jean Simon (1580), fils du châtelain de Villance, Smard Simon. À l’intérieur, on peut admirer une statue polychromée de sainte Marguerite, datée de la fin du 17e siècle et œuvre du réputé sculpteur Jean-Georges Scholtus, ou de son atelier. La sainte était invoquée lors des accouchements ou contre les hémorragies. La palme dans la main droite rappelle qu'elle fut martyre. Cette église remplaçait la précédente située au centre du cimetière actuel. Non loin, on aperçoit l’ancien bâtiment d’école où une classe unique a fonctionné jusque dans les années 1980.
Le presbytère date de 1930 et a remplacé celui construit en 1854. Il fut habité de 1940 à 1960 par le curé Alphonse Côme dont le souvenir est encore vivace chez les paroissiens. Pendant sa captivité en Allemagne avec trois autres de ses paroissiens, il a tenu un journal détaillé utilisé après la guerre pour servir de base à l'application du statut des prisonniers politiques et, sur le plan international, comme élément capital de mise en cause des anciens responsables des usines Krupp au procès de Nuremberg.
Près de l’église, une stèle rappelle le rapatriement, en 1948, du corps d’Émile Pierrard, un de ses compagnons de captivité. Un petit monument, le long du Chemin des Culées, évoque le souvenir du sergent Jean Prédali, chasseur parachutiste français, tombé en ce lieu le 1er janvier 1945 sous les balles allemandes (offensive von Rundstedt). Vers 15 heures, après s’être engagé dans le chemin, Prédali, qui marchait en tête de son groupe, fut mortellement blessé par des tireurs allemands embusqués à la lisière de la forêt toute proche.
De nombreuses chapelles privées entourent le village et attestent de la foi solide des familles donatrices. Elles ont été construites entre 1865 et 1900 par différents particuliers. Citons celle de Saint-Antoine et celle de Notre-Dame des Sept-Douleurs situées sur la route de Libin ; celle de Saint-Thibaut, route de Mirwart et celle dédiée à saint Monon, rue des Loches. La façade de cette dernière est percée d’une porte et de deux fenêtres trahissant une autre destination. Elle a servi d’école pendant la guerre scolaire de 1879.
En contrebas du village, un lavoir, récemment restauré, se présente avec une façade largement ouverte. Construit en pierre locale schisto-gréseuse de couleur violacée, il est surmonté d’une toiture à deux pans. Un grand bac en pierre calcaire – la Famenne est toute proche – est accolé au mur sur toute la profondeur du bâtiment. De nombreux abreuvoirs et bornes-fontaines témoignent de l’époque qui a précédé les raccordements particuliers à la distribution d’eau en 1940.
Aux confins des communes de Smuid, Villance et Transinne, les Chênes de Justice, dressés dans un sous-bois d’épicéas, rappellent qu’en ce lieu s’élevait jadis le gibet utilisé par les seigneurs justiciers de Mirwart.
Transinne
C'est en pénétrant à l'intérieur de la petite église que l'on peut évoquer le passé lointain de Transinne et y admirer un fragment de retable (vers 1700) illustrant une scène de la vie de saint Martin, le patron de la paroisse. Les églises dédiées à ce saint sont généralement très anciennes. L’église la plus récente a été construite en 1844 en moellons de grès schisteux et calcaire. La façade d’entrée est ornée de pilastres toscans et d’un portail à encadrement. Le maître-autel en chêne peint est rehaussé d’une toile représentant la Transfiguration. L’édifice est toujours entouré de son ancien cimetière.
L’école communale, construite en 1868 en retrait du village, impose son architecture monumentale typique du 19e siècle. Elle abritait les classes des filles et des garçons mais aussi la salle du Conseil communal, le secrétariat et la maison de fonction de l’instituteur.
Toutes les rues dégringolent vers la Place aux Canons et la fontaine-lavoir, deux témoins du passé. Le premier aménagement de cette place date des fêtes patriotiques de 1922. Les fûts de canons allemands (105 mm M 04), orientés dans toutes les directions, sont surtout symboliques. C'est en effet à Maissin et à Anloy que les batailles sanglantes des 22 et 23 août 1914 firent de nombreuses victimes. Transinne l'a échappé belle ! Derrière les vitres des fenêtres, les habitants observaient, terrorisés, les troupes allemandes montant au front vers Villance et Maissin.
Le lavoir-abreuvoir dit « de la Grande Fontaine » (1862), restauré récemment, témoigne de la vie simple et modeste de cette population villageoise qui, à cette époque, ne vivait que par et pour l'élevage d'un maigre bétail.
Autour de cette place, de nombreuses fermes au volume bas et massif présentent leurs ouvertures sur de larges pignons en colombage, anciennement recouverts de torchis. Une des plus anciennes date de la fin du 18e siècle et se repère facilement à son bardage en planches.
Transinne connaît alors un certain essor grâce à sa situation proche de grands axes routiers. Le tracé de la nouvelle route (la future N 40), imaginé dès 1740, passe par le territoire de Redu (Hamaide) puis à Transinne et, à Libin, prend la direction de Recogne. L'empierrement est entrepris en 1760. C'est en 1767-1768 que la réalisation est effective dans la région. Cette route était loin de faire l'unanimité car son coût était estimé à 33 000 florins, une fortune pour l'époque. Près de 6 000 ouvriers provenant des villages voisins sont réquisitionnés pour les travaux de terrassement. C'est à cette époque que le Quartier des Baraques s’est développé à Transinne (le carrefour de la Barrière et l'auberge Ramponeau). En 1784, Henry Évrard est renseigné comme aubergiste de la Barrière de Transinne. Celle-ci se trouvait, au 18e siècle, au carrefour de deux axes importants : la chaussée pavée Dinant-Arlon et l’axe Sedan-Marche où étaient installés de nombreux relais de poste d’Empire (Tellin, Paliseul, etc...). Pour financer l'entretien de la route, les Autrichiens y avaient installé de nombreuses barrières. Actuellement, l’hôtel renommé de la Barrière accueille toujours une clientèle avide de produits du terroir et de fine gastronomie.
À une centaine de mètres, cachée dans son écrin de forêts, s’ouvre la carrière de kaolin. Dernier site communal exploité par C.B.R., ce kaolin a été une ressource naturelle non négligeable dans la région. Plusieurs poches de cette argile blanche, particulièrement grasse, lourde et onctueuse, dispersées sur le rebord nord du synclinorium de Redu, ont été creusées au cours du 20e siècle et le kaolin extrait était utilisé dans les industries de ciment blanc, de carreaux de faïence et de savonnerie. Une promenade dans le bois des Minières offre un point de vue intéressant sur la carrière et sur quelques anciennes fosses d’exploitation de minerai de fer destiné aux hauts fourneaux de Neupont et de Marsolle.
Non loin de là, le Cabaret Ramponeau – reconverti en gîte – est une ancienne auberge établie à l’écart du village lors de la construction de la route. Elle tire son nom d’un cabaretier parisien, Jean Ramponeaux (1724-1802), inventeur d’un filtre à café qui se propagea un peu partout dans la seconde moitié du 18e siècle. Non loin se trouvait une barrière de péage. À proximité, une croix d’occis rappelle les dangers courus à cette époque. Elle se trouve au nord de la route et porte comme inscription : Jean Nicolas Mahy décédé ici en 1882.
L’ancien carrefour de la Barrière s’est trouvé une réplique moderne, l’échangeur autoroutier n° 24 de l’E 411. L’Euro Space Center y a installé un imposant complexe consacré à la conquête spatiale avec un parcours-spectacle multisensoriel plongeant le visiteur, tel un astronaute, dans l’immensité de l’espace. Des expositions permanentes et temporaires y sont organisées de même que des stages pratiques destinés aux étudiants. En 2008, l’intercommunale Idélux a choisi ce site pour y implanter Galaxia, un incubateur d’entreprises consacrées à l’espace. Son architecture futuriste à partir de modules en bois empilables, entourés de panneaux solaires, attire non seulement le regard mais aussi des entreprises telles que Vitrociset (Italie) et S.E.S. Astra (Luxembourg). À Papine, Greencap a reconverti l’ancienne ferme en une plateforme horticole pour, notamment, la culture et la distribution de sapins de noël.
Au nord de Transinne, le massif forestier s’étend sur le piémont nord du talus ardennais. La forêt du Fond de Favry offre un remarquable exemple de hêtraie climacique. Son traitement multiséculaire, en prélevant uniquement les arbres à maturité, assure sa pérennité.
Qui dit forêt, dit mystères et légendes. Au sud, le long du Wézerin, le promeneur peut s’abriter sous une grande roche, légèrement surplombante, qui émerge des vieux taillis à tan (l’écorce broyée des chênes servait dans les tanneries locales). Elle s’appelle la Roche Magrite Zabelle, du nom de deux sorcières, Marguerite et Isabelle, qui auraient choisi le sommet du rocher pour tenir leurs conciliabules. Les légendes et l’histoire peuvent parfois se recouper. Plusieurs pauvres femmes ont été soupçonnées de pactiser avec le diable. Catherine Jacquemin, d’Ochamps, a été exécutée pour crime de sortilège en 1604 et Marie Colleaux, une habitante d'Anloy, a subi le même sort en 1684. Les légendes et les superstitions peuvent véhiculer l’obscurantisme et la violence des temps anciens.
Villance
L’église du Saint-Sacrement occupe l’ancien site castral. Jusqu’au début du 19e siècle, une tour fortifiée de « quarante pieds de quarrure » se dressait au centre du monticule et était entourée d’un fossé et d’une palissade en bois. Non loin s’élevait une halle qui, elle aussi, a disparu. La nef de l’église actuelle de style néo-gothique est construite en 1865 en moellons de grès schisteux et calcaire. L’avant-corps, orienté à l’ouest, est modifié en 1950 par l’architecte Van Hove. Un clocheton ardoisé sur plan carré et une flèche à quatre pans diagonalement disposée par rapport à sa base complètent l’édifice. Quelques anciennes tombes en schiste ardoisier sont conservées à l’emplacement de l’ancien cimetière. Dans le nouveau, situé route de Maissin, gisent les corps de deux écrivains renommés : Carlo Bronne, qui avait choisi Villance comme seconde résidence, et Omer Marchal qui y repose auprès de ses aïeux.
De nombreuses fermes anciennes entourent la place du village… un espace libéré par la disparition de deux maisons et d’une laiterie. Villance a aussi payé son tribut à la première guerre, en août 1914, puisque quatorze maisons ont été incendiées. On peut repérer dans le village quatre maisonnettes dites « du roi Albert » qui ont été construites pour accueillir certaines des familles sinistrées.
Deux bâtiments ont conservé des murs qui témoignent des techniques de construction ancestrales. Située rue de Libin, une porcherie adossée à une petite habitation offre un bel exemple de colombage bardé de bois. Les planches ou «plaquettes» étaient fendues dans des rondins de chêne et attachées par des clous artisanaux. Au Wez de Bouillon, le pignon d’une ancienne bergerie montre bien l’agencement des poutres et le lattage servant à soutenir le mortier d’argile mélangé à la paille.
Deux bâtiments se singularisent parmi cet habitat rural : le presbytère (en face de l’église) et l’ancienne école communale (Wez de Bouillon) construits vers 1930.
À l’extrémité ouest du village se dresse la chapelle Notre-Dame de Luxembourg. Cette construction de plan carré, fermée par un chevet à trois pans, date de 1845 comme l’indique le cartouche qui couronne la porte d’entrée en plein cintre.
Le pont Marie-Thérèse est probablement le plus pittoresque et le plus spectaculaire des vestiges de l’actuelle commune de Libin. Dans un site resté sauvage, l’ «Ancien et Véritable Chemin de Bouillon à Liège» traversait la Lesse pour relier Liège à la France. Il remonte à la nuit des temps et fut témoin d’une circulation séculaire. En 1076, le cortège ramenant à Verdun les restes de Godefroid le Barbu, de même qu’en 1141 le convoi transportant à Bouillon la châsse de saint Lambert, ont emprunté cette voie. Elle a vu aussi de nombreuses expéditions militaires, spécialement aux 16e et 17e siècles puisqu’on l’appelait alors « l’Advenue des François » ou « par où les Français arrivaient » ! Le pont, classé en 1989, a remplacé un wez (un gué) et a été construit sous les Autrichiens au 18e siècle. En aval, on peut toujours observer les vestiges du moulin Crasset et, plus au nord, les fondations de l’ancienne scierie Roset.
Un autre chemin antique, celui de Bouillon à Saint-Hubert, enjambait la Lesse par le pont de pierre de la Justice (19e siècle) et relie Maissin à Villance. Les deux arches en maçonnerie de schiste lui confèrent un aspect rustique et les deux étranglements situés aux extrémités rappellent le passage des importants troupeaux de moutons qui parcouraient les immenses landes sous l’Ancien Régime.
Maissin et Villance ont souvent mêlé leur histoire. Sous la juridiction de la seigneurie de Mirwart, Maissin était une mairie et pouvait compter sur sa propre Justice. Ce n’est pourtant pas à cet endroit que le « maître des hautes œuvres » exécutait les condamnés. Les gibets ou signes patibulaires étaient installés sur les hauteurs, pour être bien en vue de toute la population. Le pont de la Justice séparait ou reliait tout simplement deux juridictions voisines. Cette ancienne voie était aussi celle qu’empruntaient les premiers pèlerins qui se rendaient à Andage, dès le 10e siècle, pour vénérer saint Hubert et, plus spécialement, la « chrétienté » du doyenné de Graide lors des pèlerinages connus sous le nom de « Croix banales ».
L’actuelle route qui relie les deux villages de Villance et de Maissin date de 1870 et passe à proximité du Grand Moulin, un site riche en histoire. En 1953, en creusant les fondations de la maison de feu le docteur Jadoul, les terrassiers ont mis au jour des tombes de l’époque mérovingienne. En contrebas, le site du Grand Moulin est probablement un des plus anciens connus en Wallonie puisque cité dans le polyptyque de 893. Classés en 1998, le moulin et la scierie voisine attendent une restauration imminente. Si les roues à aubes du moulin ont disparu, tout le mécanisme intérieur a été conservé. Une première scierie à grumes a été installée par le meunier Guillaume Willème, en 1737. Ce site archéologique industriel a été remis à l’honneur au cours de deux expositions organisées en 1979 et en 1989. À cette occasion, une nouvelle roue à aubes a été posée pour assurer le fonctionnement de la scie à cadre.
À proximité, le château de la Mambore occupe un site particulièrement intrigant. Le bâtiment construit en 1932 par le baron Feldheim, un industriel de Vilvorde, coiffe un éperon rocheux qui domine la vallée de la Lesse. À la fin de la guerre de 1940-1945, le réseau de résistance « Marathon » y installe un camp-refuge pour rapatrier les aviateurs alliés abattus par l’ennemi. Le site se trouve tout proche de Ramay où, d’après l’historien Émile Tandel, le docteur Dubois, de Libin, aurait entrepris des fouilles et trouvé un marteau en silex. L’historien arlonais y situe aussi une villa romaine et ajoute foi à la notice rédigée en 1877 par les instituteurs Rasquin et Neumann qui témoignent que « des ruines d’un petit château se voyaient encore trente ans plus tôt mais que ce site dénommé Le Château est actuellement converti en simple champ ».
D’autres moulins, plus récents, ont été transformés en secondes résidences et occupent des sites remarquables. Celui des Wez de Bouillon, ou moulin Copine, accueille un home pour handicapés ; l’autre, au Wezelvaux, voisinait avec une ancienne centrale hydraulique aujourd’hui disparue. Le bief qui l’alimentait montre toujours, à certains endroits, un alignement imposant de dalles schisteuses.
On accède au hameau de Glaireuse, situé à 1,5 km au sud de Villance, par la gare d’Anloy. Deux scieries furent installées à l’endroit où le tram vicinal accueillait les passagers de 1903 à 1957. L’histoire de la chapelle de Glaireuse est intéressante à bien des égards. Elle illustre à merveille la ténacité des Glaireusiens qui ont réclamé un lieu de culte, dès 1663, pour finalement l’obtenir, seulement en 1791. Cette première chapelle entourée de son cimetière se trouvait au centre de la place actuelle. À l’intérieur, une stèle commémorant les atrocités de la guerre de 1914-1918 montre un groupe de paroissiens surveillés par des soldats allemands avec, en arrière-fond, la silhouette reconnaissable de l’ancien clocher du village.